miércoles, 25 de mayo de 2016

Homenaje



Peindre l’espérance

Avant ce 28 avril 2016, jour où, avec nos amis du Centre UNESCO de Murcie et de la Fédération espagnole, nous avons présenté le projet solidaire avec les communautés indigènes du Paraguay, dans l’amphithéâtre du Rectorat de l’Université Miguel HERNANDEZ de Elche, j’ignorais tout de l’œuvre d’Emilio VIEITES AGUIAR.
Sur la tribune de l’amphithéâtre, deux de ses œuvres étaient offertes au regard. En réalité, au-delà de notre regard, c’est à notre réflexion militante qu’invitaient ces portraits, l’un de Mandela, l’autre de Gandhi. Deux lumières vives pour conjurer l’obscurité du chemin, appelées à nous guider longtemps après que ces deux géants nous aient quittés.
Cependant, une lumière qui ne s’entretient pas n’est-elle pas appelée à faiblir sous les coups de vents répétés de la bêtise et de l’égoïsme, voire à disparaître dans la tourmente de la barbarie où naufragent les frêles esquifs perdus en Méditerranée, dont les enfants morts seront rejetés sur les plages de l’indifférence ?
Il faut alors toute la magie de l’art, il faut tout le travail assidu et volontaire du peintre afin, qu’au-delà de l’évocation des mots, un visage s’imprime avec toute la générosité d’une humanité accomplie, victorieuse des humiliations imposées par les lords arrogants de l’Angleterre impériale ou des brutalités des boers de Robben Island. C’est là le cadeau précieux que nous délivre Emilio. C’est ainsi qu’il peint l’espoir, cet espoir sans lequel toute marche deviendrait vaine et épuisante.
Par le pinceau et la palette d’Emilio, les sourires de Mandela, de Gandhi, de Miguel Hernandez prennent vie sur la toile et, malgré la dureté des temps, nous invitent à ne pas désespérer de notre balbutiante humanité. C’est là toute la vertu du peintre. Imaginons un monde privé de ces regards de lumière ; imaginons un monde où Goya n’aurait pu peindre « El 2 de mayo », « El 3 de mayo », un monde sans Delacroix et « La liberté guidant nos pas » !
Emilio guette le monde ; par la puissance de ses pâtes rouges et ses ocres, il en retrace les souffrances et les errements. Face à ces tours de Manhattan s’effondrant sur elles-mêmes, signe de la fragilité d’une société de privilèges qui, assurée de sa toute puissance, pouvait se croire à l’abri des assauts aveugles d’hommes en déshérence livrés à la barbarie ; ce sont nos interrogations, nos doutes et, plus encore, nos craintes qui apparaissent dans l’épaisseur des pâtes couchées sur la toile. Ainsi, le peintre, en nous retenant devant sa toile, captant notre attention, nous invite à la réflexion. C’est le moment où, acceptant de stopper notre course incessante vers des choses toutes plus futiles et vaines les unes que les autres, nous fixons notre pensée sur les questions du peintre, éveillant ainsi notre conscience à l’unisson des préoccupations qui ont guidé sa création.
Mais laissons là, pour un instant au moins, nos doutes et nos peurs. Aux côtés des grandes figures généreuses dont Emilio a fixé les messages d’humanité, il y a, dans sa grande galerie de sentiments, une multitude de beaux visages porteurs d’espoir. Visages d’enfants, en très grande majorité ; preuve sensible s’il en fallait, qu’au-delà des errances adultes dont nous nous sommes rendus coupables, l’enfance persiste à sourire à la vie. Regards profonds, faits de tendresse et de confiance, qui devraient nous convaincre des responsabilités qui sont nôtres pour l’édification d’un monde de paix, de justice et de fraternité.

Ainsi, mon ami Emilio est-il le peintre de l’espérance.
Il me dit avoir été sensible aux mots qu’il m’a été permis de prononcer pour célébrer notre solidarité à l’endroit de nos amis du Paraguay. J’en ai été touché et rassuré.

Mais les mots restent bien faibles au regard du talent que tu possèdes, mon Cher Emilio, celui d’inscrire dans la permanence du temps les questions qui nous taraudent mais, plus heureusement encore, les espoirs que nous persistons à nourrir pour croire possible un monde meilleur et beau.

Peins, mon Ami Emilio, et que ta peinture nous soit cet aliment d’espérance dont nous avons tant besoin !

En pleine fraternité.


Yves LOPEZ
Président de la Fédération française pour l’UNESCO (FFPU)